Cheikh Tidiane :
Bjr la famille knal, je voudrai poser une question par rapport à la réussite. La réussite? Est ce que la réussite d’un musulman est la même pour un non musulman? Est elle la même pour un tiers-mondiste et un occidental? Comment peut on savoir si on a réussi dans la vie? Est-ce qu’elle au bout de l’effort ? Est-ce qu’elle quantitative ou qualitative?
Diaye Goumbala :
Bonjour Cheikh Tidiane ziar lou barri mon frère. Je livre ci-après ma contribution sur ton thème.
Comme l’a si bien commenté Abdou KANE, la réussite à mon avis, peut être analysée sous plusieurs angles (sociologique, philosophique ou religieux).
Dans une société centrée sur l’individu et ses accomplissements, la réussite semble être la clé du bonheur humain. Mais qu’est ce que la réussite et de quelle forme de réussite est il question ?
De nos jours la réussite est beaucoup jugée à partir de l’aspect financier, mais la réussite peut revêtir plusieurs formes; l’aboutissement d’une passion, un exploit sportif, une œuvre d’art, une découverte scientifique … Il y a également différentes notions de la réussite ; de la réussite sociale, à la réussite pour soi, réussir dans la vie, ou réussir sa vie. Il importe de connaître les objectifs visés à travers ces concepts, et laquelle des réussites apporte le plus de bonheur à l’homme. Dans tous les cas la réussite est considérée de manière générale comme le résultat favorable d’une entreprise, d’une action ou d’une œuvre autrement dit comme un aboutissement, l’atteinte d’un objectif préalablement fixé. Au plan professionnel et entrepreneurial la réussite peut procéder d’une bonne maîtrise de ce qui est communément appelé PDCA (plan, do, Check, Act ou roue de Deming) ; cette approche qui intègre paradoxalement la notion d’échec, constitue dans son essence une bonne dynamique d’amélioration continue. Nous évoluons dans une société de compétition qui ne laisse pas de place à l’échec, alors que, la simple volonté de réussir doit être considérée, comme élan constructif, comme moteur d’action. En effet échouer ne signifie pas nécessairement le contraire de réussir. La réussite passe par une gestion efficiente des échecs et chaque succès correspond à un parcours jalonné d’embûches et ce qui importe, c’est de savoir tirer un enseignement des faux pas. Pour identifier les axes d’amélioration, ou les erreurs a éviter, il n’existe pas meilleure méthode que d’en commettre. La réussite n’est pas simplement une ascension vers quelque chose et si elle n’est appréhendée que dans son sens valorisant, elle peut occulter les aspects qualitatifs liés à sa finalité et constituer ainsi un risque critique pour l’individu et la société. En effet la réussite peut-être positive ou négative. il existe des réussites d’actions condamnables, négatives. Un voleur qui fait un bon coup peut avoir réussi son coup même si son action occasionne mort d’homme ou destruction d’avenir, de carrières. Il en est de même d’un violeur désireux d’assouvir sa libido. Au plan stratégique et financier l’esclavage à été un succès pour les tenants du commerce triangulaire mais un désastre pour l’humanité. Par ailleurs une réussite dont les effets induits ne profitent qu’a une personne ou une minorité n’est pas tout à fait valorisante. La réussite peut permettre à d’autres de réussir, notamment par la transmission. A ce titre les découvertes scientifiques et techniques constituent une illustration parfaite de réussites globalisantes impactant toute l’humanité. (pour Michelle Obama, la réussite, ce n’est pas ce que l’on gagne c’est l’impact qu’on a sur la vie des gens. Si la réussite n’altère pas la clairvoyance, l’honnêteté, l’humilité, le sens de la responsabilité, et des relations humaines, l’amour de son prochain et le respect des équilibres au plan économique social, environnemental et culturel on ne peut que s’en féliciter.
Au plan religieux et du point de vue de l’islam, le Coran nous enseigne que les hommes et les djins ne sont créés que dans le but d’adorer ALLAH swt. Il précise par ailleurs qu’ à la fin des temps il y aura deux communautés, le peuple de la géhenne (l’enfer) et le peuple du paradis céleste. Ceux-là qui seront au paradis auront assurément connu le succès, contrairement aux autres. Le Coran, nous enseigne en définitive qu’une fin remarquable, correspondant à une demeure et un bonheur éternel, constitue la récompense d’une vie réussie. Sous ce rapport la réussite ne saurait donc être réduite à une vie remplie de richesses monétaires, de bonne santé, de plaisirs ou d’absence de stress, quoique de nos jours, les gens travaillent beaucoup à accumuler des richesses, des distinctions et des plaisirs diverses, en occultant le caractère éphémère de la vie terrestre et des jouissances mondaines associées. Il est établi qu’aucun de ces éléments n’a de l’importance à la mort. L’islam nous enseigne que seules les actions comptent pour l’homme après sa mort. Pour en illustrer, Le prophète Mohammed saws a enseigné que : «Trois choses accompagnent la personne décédée à sa tombe, dont deux s’en retournent et une reste. Sa famille, son statut et ses actions l’accompagnent à sa tombe; puis, sa famille et son statut la quittent et ses actions restent avec elle.» D’un point de vue génétique l’être humain est programmé pour atteindre progressivement son extinction définitive et rien si ce n’est les Révélations d’ALLAH swt a travers les livres Saints ne nous renseigne sur la vie d’après la mort. Le Coran nous rappelle que : «Où que vous soyez, la mort vous atteindra, fussiez-vous dans des tours imprenables » (Coran 4:78). «Toute âme goûtera la mort. Et vous ne serez pleinement rétribués qu’au Jour de la Résurrection. Quiconque sera écarté du Feu et introduit au Paradis aura certes réussi. La vie d’ici-bas n’est (qu’une vie) remplie de jouissances trompeuses. » (Coran 3:185). Dans les hadiths, le prophète Mohammed saws nous indique que celui qui connaîtra le succès est celui qui a accepté l’islam, celui dont les besoins de base sont comblés et qui est satisfait de ce que ALLAH swt lui a donné dans cette vie. Se soumettre à la volonté d’ALLAH swt est ce qui rend une personne heureuse. Et le bonheur et la réussite, au sens islamique ne signifient pas nécessairement que la personne est constamment heureuse, riche et en bonne santé. Dans la vie terrestre l’homme connait alternativement le bonheur et la tristesse, l’angoisse et la quiétude, le succès et l’échec, la santé et la maladie … toutefois sa foi sa capacité d’adaptation, de discernement, son courage, sa patience et sa détermination lui facilite le cheminement en lui indiquant l’intérêt attaché à chaque chose et en lui permettant de faire focus sur les aspects éminemment qualitatifs. Ainsi, l’islam reconnaît les notions de libre arbitre et de responsabilité; En effet le musulman est considéré comme responsable de son propre bonheur et de sa propre réussite. Si au terme de sa vie ALLAH swt considère qu’il a réussi, le Paradis devient sa demeure éternelle et ainsi la santé, la richesse et le bonheur deviennent également éternels. La réussite, en islam, est donc en définitive le fait d’accéder au Paradis. Tout succès que nous connaissons, sur terre, qu’il soit financier ou lié à la bonne santé ou aux loisirs, est éphémère et connaîtra rapidement une fin. Le Coran alerte «Dis : “La jouissance d’ici-bas est éphémère, mais la vie future est meilleure pour quiconque est pieux. Et on ne vous lésera pas fût-ce d’un brin de noyau de datte. Coran S4.V77» Le terme arabe pour succès est falah, un terme que tous les musulmans de toutes les nationalités entendent au moins 5 fois par jour à travers l’adhan, (appel à la prière) : « … hayya ‘alal-falah! » (Venez vers le succès! Venez à la prière, venez au succès!) Car il y a certes un succès dans la prière, dans le fait de maintenir la connexion avec ALLAH swt. La même racine, fa-la-ha, correspond également au terme arabe «fermier» (fallah). Quel est le rapport avec la réussite? Le fermier peut obtenir d’abondantes récoltes avec son bétail en bonne santé. Toutefois il n’a pas entièrement le contrôle sur ces résultats. Il sème, travaille la terre et s’occupe de son bétail, mais, ultimement, il s’en remet à ALLAH swt pour la bonne température, le contrôle des insectes, etc. Son succès, en tant que fermier, est déterminé par le pouvoir d’ALLAH swt sur toute chose. Les inondations et les sécheresses, les vents et la pluie, même sa propre santé et celle de son bétail peuvent affecter irrémédiablement son succès. On peut alors dire que la définition du succès inclut le fait de placer sa confiance en ALLAH swt, faire un effort, faire ce qui est demandé et laisser l’issue entre les mains de ALLAH swt. Le prophète Mohammed a expliqué aux croyants que les événements de leur vie sont extraordinaires. Il a dit : « Comme est étonnante l’affaire du croyant, car tout ce qui lui arrive est bon et cela ne s’applique qu’au croyant. Si une bonne chose lui arrive, il en est reconnaissant et c’est une bonne chose pour lui. Et si une mauvaise chose lui arrive, il l’endure avec patience et c’est aussi une bonne chose pour lui. » Ainsi, quand une personne voue sa vie à plaire à ALLAH swt en se soumettant à Sa volonté, ces paroles du Prophète saws prennent un sens encore plus profond. Car faire totalement confiance à ALLAH swt signifie qu’il n’y aura pas d’échecs. Ainsi, les revers et difficultés mineurs ne sont que de légers problèmes sur la route du succès ultime. Mais qu’en est-il des aboutissements que l’on considère généralement comme des échecs, dans cette vie? Comme perdre son travail ou son époux(se)? Comme ne pas être reconnu pour la personne que l’on s’efforce d’être? Rien de tout cela n’a la moindre influence sur le succès ou l’échec ultime de notre vie. Ce qui est pris en compte est notre façon de réagir à ces événements et de faire face aux épreuves de la vie en général. Une personne est sur la voie du succès ultime à cause de son attitude, de ses intentions et de sa capacité à placer sa confiance en ALLAH swt. « Réussira, certes, celui qui purifie son âme de ses péchés, tandis que sera perdu celui qui la corrompt. » (Coran 91:9-10) « Et ma réussite, (dans cette tâche), ne dépend que de Dieu. C’est en Lui que je place ma confiance… » (Coran 11:88). Dans la sourate 103, ALLAH swt nous réitère de quelle façon nous pouvons réussir et comment y parvenir. Il nous décrit aussi de quelle façon nous échouons. Il jure par le jour déclinant que nous sommes tous en perdition, sauf ceux d’entre nous qui font quatre choses particulières : croire, faire le bien, s’enjoindre mutuellement à protéger la vérité et à demeurer patient. « Par le jour déclinant! En vérité, l’homme court à sa perte, à l’exception de ceux qui croient et font le bien, s’enjoignent mutuellement de s’en tenir à la vérité et s’incitent mutuellement à la patience. » (Coran 103).
Puisse ALLAH SWT dans sa magnanimité nous accorder son pardon et nous donner la force et le courage de braver les difficultés et les pièges de la vie , de reconnaître nos erreurs et de nous repentir, d’endurer les épreuves et de rester patients. QU’ALLAH SWT nous guide vers la réussite !
ZIAR
Alpha Touré :
Assalamou aleykoum la famille K’NAL. J’aimerais dire deux mots sur la question posée par notre frère Cheikh Tidjane. La réussite est un concept qui peut avoir une signification différente pour chaque individu, car cela dépend de leurs propres objectifs, valeurs et aspirations dans la vie. En général, la réussite peut être considérée comme l’accomplissement de quelque chose que l’on a défini comme étant important ou significatif. Quelque chose qui a pour nous une certaine valeur.
Pour certaines personnes, réussir peut signifier atteindre un objectif professionnel ou financier, tel que l’obtention d’un emploi de rêve, la création d’une entreprise prospère ou la réalisation d’un certain niveau de richesse. Pour d’autres, cela peut signifier atteindre des objectifs personnels, tels que la formation de relations significatives, la création d’une famille heureuse, l’accomplissement d’un défi physique ou l’acquisition de compétences ou de connaissances spécifiques.
En fin de compte, la réussite est un état subjectif et relatif qui peut varier considérablement d’une personne à l’autre. C’est pourquoi il est important de définir vos propres objectifs et vos propres critères de réussite, plutôt que de se comparer constamment aux autres ou de suivre les normes sociales ou culturelles préétablies. L’homme étant un être de raison, doué d’une volonté et d’un libre arbitre, il faudrait, pour mieux cerner la notion de réussite, l’envisager sous trois angles, au moins. par rapport à soi; par rapport à autrui;. Par rapport à Dieu. La réussite pour-soi est la réalisation de mon propre projet existentiel. L’homme face au monde est confronté à une série d’obstacles, de barrières qui se dressent devant lui comme autant de défis à relever, de difficultés à surmonter. Ils peuvent être de tous ordres : économique, politique, social, culturel, scientifique, technique, spirituel etc. Parvenir à les surmonter peut être perçu comme une forme de réussite. Par rapport au second point, l’individu est soumis au regard, au jugement et à l’appréciation d’autrui. Il y’a dans toute société des paradigmes, des modèles à partir desquels, chacun organise son existence. Ces référentiels sont des valeurs qui modulent notre pratique et orientent nos choix. Il y’a toujours une définition de ce qui est bien et de ce qui est mal, de ce qui vaut et de ce qui n’a aucune valeur. Réussir, signifie ici, réaliser le type d’homme conforme aux attentes de la société. C’est le sens que l’on peut donner au terme “tekki”. Ici, la réussite est pour autrui, elle est commandée de l’extérieur.
Il y’a enfin le troisième niveau d’intelligibilité du concept de réussite, qui fait référence à l’Absolu, autrement dit, à Allah SWT et dont la mesure est la personne du prophète Mohamed (Saws). Car c’est lui qui cristallise toutes les qualités requises et toutes les vertus qui définissent une exigence réussie. En tant que vicaire de Dieu sur terre, il est le modèle achevé de l’humain, le référentiel absolu en matière de valeur et de réussite.
Ces trois niveaux d’analyse me paraissent incontournables, si nous voulons répondre de manière convenable à l’interpellation de notre frangin. Tout cela demande, bien sûr à être étayé argumenté et illustré, dans le cadre d’une réflexion plus large et ce, sous plusieurs angles (psychologique, sociologique, politique, économique, religieux, philosophique, etc.. Telle est ma modeste contribution, pour le moment. Merci à Abdou Hamid et à Diaye Goumbala, pour leurs brillantes productions.